Ce dispositif de financement de la transition énergétique s'est retrouvé au coeur d'une passe d'armes entre le Rassemblement national et le gouvernement sur le sujet inflammable des prix de l'énergie. Créé en 2005, ce mécanisme finance notamment des aides à la mobilité électrique et à la rénovation énergétique en faisant contribuer les fournisseurs d'énergie.
Le chef de file des industriels pétroliers anticipe une hausse "de l'ordre de 4 à 6 centimes par litre" liée à l'augmentation des CEE (illustration) ( AFP / SAMEER AL-DOUMY )
Taxe ou pas taxe?
Le président du Rassemblement national Jordan Bardella a sonné la charge contre l'évolution des CEE au 1er janvier, qualifiée d'"agression fiscale" qui conduirait le gouvernement à augmenter de "2 milliards d'euros des taxes sur les carburants, le fioul, le gaz et l'électricité".
Le gouvernement, ministre de l'Economie en tête, a fustigé "une désinformation" car la décision, qui a fait l'objet d'un décret publié le 4 novembre au Journal officiel, n'est ni une taxe ni un impôt.
Le décret en question augmente de 27% le volume total d'obligations d'économies d'énergie que doivent financer les fournisseurs d'énergie, à partir de 2026, pour les 5 prochaines années.
Les CEE, créés pour permettre à la France de respecter ses obligations européennes en matière d'économies d'énergies, ne ciblent donc pas les consommateurs, mais EDF, Engie, TotalEnergies et autres fournisseurs d'énergie, et les vendeurs de carburants.
A quoi servent les CEE?
Le dispositif a été pensé pour "accompagner à la fois la décarbonation de nos usages", - le fait de remplacer les énergies fossiles par des énergies moins polluantes -, "et la réduction de notre consommation", recadre le député (Renaissance) et président du Conseil Supérieur de l'Énergie Jean-Luc Fugit.
Concrètement, en échange d'octroyer une prime à un client, ménage ou entreprise, par exemple pour remplacer une chaudière au fioul pour une pompe à chaleur plus performante sur le plan environnemental, le fournisseur obtient un CEE. A chaque fin de période, il échappe à des pénalités s'il a atteint l'objectif de CEE fixé par l'Etat.
En quête d'économies, l'Etat a renforcé le recours à ce dispositif 100% privé pour financer plus d'aides à la transition écologique, surtout dans la mobilité électrique (bonus écologique, leasing social) et la rénovation énergétique des bâtiments, parallèlement au dispositif public MaPrimeRénov'. L'augmentation des obligations incombant aux fournisseurs va permettre de mobiliser plus d'argent privé au bénéfice des particuliers et des entreprises: de 6 milliards d'euros en 2025, la manne passe à plus de 8 milliards en 2026, dont environ 25% vers les plus modestes.
Quels effets sur les prix à la pompe?
C'est "un coût pour les énergéticiens, mais un gain pour les Français" qui bénéficient in fine d'économies d'énergie pérennes, fait valoir le ministère de la Transition écologique.
Mais il y a bien un revers de la médaille: les énergéticiens répercutent leur contribution, au moins en partie sur les prix du carburant et les factures de gaz et électricité. La revalorisation des CEE pourrait donc renchérir la note des particuliers comme des entreprises.
"Truc diabolique", selon Patrick Pouyanné
Le directeur du lobby des pétroliers (Ufip) Olivier Gantois a ainsi assuré que les prix du carburant augmenteraient "de l'ordre de 4 à 6 centimes par litre" en conséquence. Une fourchette de "4 à 5 cts (...) dans un an ou deux", a aussi évoqué le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné en qualifiant le dispositif de "truc diabolique".
Selon M. Gantois, les CEE pèsent actuellement environ 11 centimes dans chaque litre de carburant. Et dès le 1er janvier, ce sera "15 à 17 centimes". Mais la Cour des comptes avait elle avancé d'autres ordres de grandeur, avec un coût pour le consommateur de 7,3 cts en 2023.
Et sur les factures d'énergie?
Dans un rapport de septembre 2024, elle a estimé le coût des CEE supporté par chaque ménage à 164 euros en 2023, soit 4,32% de sa dépense énergétique annuelle moyenne (gaz, électricité et carburants). "C'est une part infime sur la facture", assure un fournisseur de gaz et d'électricité, sans la quantifier.
Le ministre de l'Economie Roland Lescure reconnaît que "l'impact existe", "mais la plupart des énergéticiens ne répercutent que marginalement les CEE sur les consommateurs".
En revanche, "d’autres décident de se servir des CEE comme d’une excuse pour augmenter leurs prix", a-t-il critiqué, en renvoyant les vendeurs de produits pétroliers à leurs responsabilités.
5 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer